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Ah ça ira - Edith Piaf
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira, refrain qui symbolise la
Révolution, fut entendu pour la première fois en mai 1790.
Son auteur, un ancien soldat chanteur des rues du nom de Ladré, avait adapté des paroles anodines sur le Carillon national, un air de
contredanse très populaire dû à Bécourt, violoniste au théâtre Beaujolais et que la reine Marie-Antoinette
elle-même aimait souvent jouer sur son clavecin.
Le titre et le thème du refrain de cette chanson ont été inspirés par l'optimisme imperturbable de
Benjamin Franklin, représentant très apprécié par le peuple français du
Congrès des 13 colonies d'Amérique à Paris, du 22 décembre 1776
au 12 juillet 1785 qui, lorsqu'on lui demandait des nouvelles de la
guerre d'Indépendance américaine, répondait invariablement dans son mauvais français : « Ça ira, ça ira » (pour l'anglais : It'll be fine). À la
Révolution, le texte fut transformé par les sans-culottes
en apostrophes assassines à l'égard de l'aristocratie et du clergé.
Le « Ça ira » survécut à Thermidor et le Directoire ordonna même qu'on le
chantât avant chaque spectacle. Il fut interdit sous le Consulat.
Il existe bien des versions de ce chant... les paroles évoluant de l'optimisme de la fête du 14 juillet 1790 :"Ah ça ira, ça ira ! Pierrot et Margot chantent à la guinguette ! Ah ! ça ira, ça ira, ça ira ! Réjouissons nous, le bon temps reviendra." au refrain ultérieur beaucoup plus menaçant : "Ah ça ira, ça ira, ça ira, Les aristocrates à la lanterne. Ah ! ça ira, ça ira, ça ira ! Les aristocrates on les pendra."
Paroles : Ah ça ira ça ira ça ira Les aristocrates à la lanterne Ah ça ira ça ira ça ira Les aristocrates on les pendra V'la trois cents ans qu'ils nous promettent Qu'on va nous accorder du pain V'la trois cents ans qu'ils donnent des fêtes Et qu'ils entretiennent des catins V'la trois cents ans qu'on nous écrase Assez de mensonges et de phrases On ne veut plus mourir de faim Ah ça ira ça ira ça ira Les aristocrates à la lanterne Ah ça ira ça ira ça ira Les aristocrates on les pendra V'la trois cents ans qu'ils font la guerre Au son des fifres et des tambours En nous laissant crever d'misère Ça n'pouvait pas durer toujours V'la trois cents ans qu'ils prennent nos hommes Qu'ils nous traitent comme des bêtes de somme Ça n'pouvait pas durer toujours Ah ça ira ça ira ça ira Les aristocrates à la lanterne Ah ça ira ça ira ça ira Les aristocrates on les pendra Le châtiment pour vous s'apprête Car le peuple reprend ses droits Vous vous êtes bien payé nos têtes C'en est fini Messieurs les rois Il n' faut plus compter sur les nôtres On va s'offrir maint'nant les vôtres Car c'est nous qui faisons la loi Ah ça ira ça ira ça ira Les aristocrates à la lanterne Ah ça ira ça ira ça ira Les aristocrates on les pendra
Les canuts Paroles et Musique: Aristide Bruant 1894 autres interprètes: Yves Montand (1955), Catherine Sauvage (1962), Monique Morelli (1964), Jacques Douai (1965), Francesca Solleville (1970), Marc Ogeret (1973), Marc Robine (1993), Leny Escudero (1997), Pour chanter Veni Creator Il faut une chasuble d'or Pour chanter Veni Creator Il faut une chasuble d'or Nous en tissons pour vous, grands de l'église Et nous, pauvres canuts, n'avons pas de chemise C'est nous les canuts Nous sommes tout nus Pour gouverner, il faut avoir Manteaux ou rubans en sautoir Pour gouverner, il faut avoir Manteaux ou rubans en sautoir Nous en tissons pour vous grands de la terre Et nous, pauvres canuts, sans drap on nous enterre C'est nous les canuts Nous sommes tout nus Mais notre règne arrivera Quand votre règne finira : Mais notre règne arrivera Quand votre règne finira : Nous tisserons le linceul du vieux monde, Car on entend déjà la tempête qui gronde C'est nous les canuts Nous sommes tout nus
La version la plus connue de la Cucaracha (le cafard) fait allusion au général mexicain Victoriano Huerta, toxicomane et alcoolique, devenu après un coup d'état président de la République, que ses opposants surnommaient la cucaracha peut-être à cause de ses lunettes rondes et foncées ainsi que de sa redingote et qui sans marijuana, ne pouvait paraît-il plus marcher.
Dans certains de ses couplets, le chant prend à partie personnellement Venustiano Carranza, adversaire de Francisco Villa (Pancho Villa) durant la guerre civile opposant les révolutionnaires pour le pouvoir.
Les premières apparitions de la musique de la Cucaracha selon l'espagnol
Francisco Rodriguez Marin dans son livre de 1883 avec des strophes différentes datent du temps de la
guerre contre les maures d'Espagne, soit avant 1492.
Elle fut aussi chantée avec des paroles différentes mais se rapprochant de la version mexicaine pendant les
guerres Carlistes (Espagne 1871-73), certains couplets sont très proches de la version "moderne".
Au temps du second Empire mexicain soutenu par la France et ses troupes, les armées républicaines de Benito Juárez et les guérilleros sous les ordres de Porfirio Diaz en lutte contre l'empereur Maximilien la chantèrent aussi.
Paroles : Refrain : La cucaracha, la cucaracha, Ya no puede caminar ; Porque no tiene, porque le falta Marijuana que fumar Refrain : Le cafard, le cafard, Ne peut plus marcher ; Parce qu'il n'a pas, parce qu'il lui manque De la marijuana à fumer Ya se van los Carrancistas, Ya se van para Perote, Y no pueden caminar, Por causa de sus bigotes. Voici que les Carrancistes s'en vont Ils s'en vont enfin à Perote Et ils ne peuvent pas marcher À cause de leurs moustaches (Refrain) Con las barbas de Carranza Voy (a) hacer una toquilla Pa(ra) ponérsela (a)l sombrero Del señor Francisco Villa Avec les barbes de Carranza Je vais faire un panache Que je mettrai au chapeau De monsieur Francisco Villa La Cucaracha Coro: La cucaracha, la cucaracha, Ya no puede caminar; Porque no tiene, porque le falta Marijuana que fumar. Ya murio la cucaracha, Ya la llevan a enterrar, Entre cuatro zopilotes Y un raton de sacristan. Con las barbas de Carranza, Voy a hacer una toquilla, Pa' ponersela al sombrero De su padre Pancho Villa. Un panadero fue a misa, No encontrando que rezar, Le pidio a la Virgen pura, Marijuana pa' fumar. Una cosa me da risa: Pancho Villa sin camisa; Ya se van los carrancistas Porque vienen los villistas. Para sarapes, Saltillo; Chihuahua para soldados; Para mujeres, Jalisco; Para amar, toditos lados.
Quelques interprètes :
.. Louis Armstrong (1935)
.. Pierre Dac en a écrit une version pour radio-Londres, pendant la Seconde Guerre mondiale :
«Radio Paris ment, Radio Paris ment, Radio Paris est allemand » (6 septembre 1940)
.. Bill Haley (1966), Charlie Parker, etc.
La semaine sanglante (1871) Paroles : Jean-Baptiste Clément (1837-1903) Musique : Pierre Dupont.
Chanson écrite pendant la répression de la Commune de Paris, "la Semaine Sanglante" qui, du 22 au 29 mai 1871, fit de 20 000 à 30 000 morts.
Sauf des mouchards et des gendarmes, On ne voit plus par les chemins, Que des vieillards tristes en larmes, Des veuves et des orphelins. Paris suinte la misère, Les heureux mêmes sont tremblants, La mode est aux conseils de guerre, Et les pavés sont tout sanglants. Refrain Oui mais, ça branle dans le manche, Les mauvais jours finiront, Et gare à la revanche, Quand tous les pauvres s'y mettront! (bis) On traque, on enchaîne, on fusille, Tout ce qu'on ramasse au hasard : La mère à côté de sa fille, L'enfant dans les bras du vieillard. Les châtiments du drapeau rouge Sont remplacés par la terreur De tous les chenapans de bouge, Valets de rois et d'empereurs. Ce soir, les gens de la police Refleurissent sur les trottoirs, fiers de leurs états de service Et le pistolet en sautoir. Sans pain sans travail et sans armes, Nous allons être gouvernés Par des mouchards et des gendarmes, Des sabres-peuple et des curés. Le peuple au collier de misère, Sera-t-il donc toujours rivé ?. Jusques à quand, les gens de guerre Tiendront-ils le haut du pavé ?. Jusques à quand la saint clique Nous croira-t-elle un vil bétail ?. A quand enfin la République, De la justice et du travail ?
La Commune de Paris
Chanson écrite par Jean-Roger Caussimon à la demande de Bertrand Tavernier pour son film "Le juge et l'assassin".
18 Mars 1871 : Début de la Commune de Paris Par les Amis de la Commune de Paris
Le 18 mars 1871 marque le début de la Commune de Paris, révolution ouvrière et populaire, qui, pour la première fois dans l'histoire posera les bases d'un pouvoir prolétarien.
La Commune demeure ensevelie sous une chape de silence, bien qu'elle soit ou plutôt parce qu'elle est porteuse de valeurs, valeurs battues en brèche par les héritiers de ceux qui massacrèrent les Communards.
Une révolution ouvrière
L'insurrection communarde naît d'un sursaut patriotique contre la faillite, voire la trahison, des équipes dirigeantes durant la guerre franco-prussienne de 1870-1871, et d'un puissant réflexe républicain contre les périls d'une restauration monarchique. Comme le proclame le Journal officiel du 21 mars 1871, " Les prolétaires de la capitale, au milieu des défaillances et des trahisons des classes gouvernantes, ont compris que l'heure était arrivée pour eux de sauver la situation en prenant en main la direction des affaires publiques. " Cette révolte, réponse à la provocation de Thiers du 18 mars, se transforme en révolution ouvrière.
Ouvrière par la masse de ses combattants (84% des Communards arrêtés sont des travailleurs manuels), par le fort pourcentage d'ouvriers (environ 30%) au sein du Conseil général de la Commune, par la constante pression exercée du dehors, enfin par sa législation sociale. Mais cette classe ouvrière est fille de son temps, d'un capitalisme en pleine ascension, intermédiaire donc entre l'artisanat sans-culotte et le prolétariat d'usine, une classe ouvrière adolescente, mal structurée, se lançant " à l'assaut du ciel ". Cette hétérogénéité, jointe à sa naissance spontanée du 18 mars, explique largement l'inexpérience, l'isolement, les rivalités paralysantes de la Commune, mais aussi sa diversité foisonnante (néo-jacobins, proudhoniens, néo-proudhoniens, blanquistes, bakounistes, marxistes, francs-maçons.), source d'un héritage pluriel.
La démocratie citoyenne
Au nom de la souveraineté populaire et dans le droit fil de la Constitution de 1793, la Commune engendre une vraie démocratie. Le Comité central de la Garde nationale, installé à l'Hôtel de Ville depuis la soirée du 18 mars, précise, dans son appel du 22 mars aux électeurs, sa conception de la démocratie : " Les membres de l'assemblée municipale, sans cesse contrôlés, surveillés, discutés par l'opinion, sont révocables, comptables et responsables " ; et, le 24 mars : " Quand nous pourrons avoir les yeux partout où se traitent nos affaires, partout où se préparent nos destinées, alors, mais alors seulement, on ne pourra plus étrangler la République. "
Les élus de la Commune, révocables, corsetés par un mandat impératif, demeurent sous la férule d'un véritable " ministère des masses " : chambres syndicales, clubs, comités de femmes, presse maintiennent une forte pression, à laquelle convie le club Nicolas-des-Champs : " Peuple, gouverne-toi toi-même par tes réunions publiques, par ta presse ; pèse sur ceux qui te représentent ; ils n'iront jamais trop loin dans la voie révolutionnaire. " Lorsque les ouvriers boulangers, obtenant la suppression du travail de nuit, se rendent à l'Hôtel de Ville remercier la Commune, ils sont vertement tancés par le journal Le prolétaire : " Le peuple n'a pas à remercier ses mandataires d'avoir fait leur devoir [.] Car les délégués du peuple accomplissent un devoir et ne rendent pas de services. "
Donc une démocratie au sens étymologique du terme (démo = peuple ; kratos = pouvoir), le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple, la démocratie la plus authentique qui ait jamais existé à travers l'histoire, une démocratie directe reposant sur une citoyenneté active, à l'échelle, il est vrai d'une ville et durant une soixantaine de jours. Mais quelle remise en cause de la délégation du pouvoir et de la bureaucratie !
Cette souveraineté populaire, pleinement assumée, s'inscrit fort bien dans la filiation de la Constitution de 1793, qui proclamait " le droit à l'insurrection " comme " le plus sacré des droits et le plus imprescriptible des devoirs ".
Prémisses de l'autogestion
La démocratie s'étend à l'entreprise. L'atelier de réparation d'armes du Louvre se dote d'un règlement autogestionnaire : chaque atelier élit, pour quinze jours, au conseil de direction, un ouvrier chargé de transmettre les réclamations et d'informer ses camarades des décisions prises. Dans l'orbite des chambres syndicales ou de comités de l'Union des Femmes surgissent de nombreux ateliers coopératifs. Cette pratique inspire le décret du 16 avril, prévoyant la remise en marche par les ouvriers associés des ateliers que leurs patrons ont désertés.
Vers l'émancipation féminine
Constituant vital de cette démocratie directe, les femmes. Elles sont sur le devant de la scène depuis le 18 mars (Louise Michel à Montmartre). Jules Vallès, dans Le Vengeur du 12 avril 1871, décrit avec enthousiasme : " J'ai vu trois révolutions, et, pour la première fois j'ai vu les femmes s'en mêler avec résolution, les femmes et les enfants. Il semble que cette révolution est précisément la leur et qu'en la défendant, ils défendent leur propre avenir. "
Est alors créé le premier mouvement féminin de masse, l'Union des Femmes, qu'animent Elisabeth Dmitrieff, aristocrate révolutionnaire russe de 20 ans, et Nathalie Le Mel, une bretonne de 45 ans, ouvrière relieuse.
Après des siècles de phallocratie, balayant son dernier avatar en date, le proudhonisme (adepte de la femme au foyer), dont plusieurs de ses membres pourtant se réclament, la Commune œuvre une brèche vers la libération des femmes. Les projets d'instruction pour les filles visent à affranchir les femmes des superstitions et de l'emprise de l'Eglise, considérée comme l'âme de la contre-révolution. Les femmes obtiennent à travail égal, salaire égal , et créent de nombreux ateliers autogérés. Dans quelques quartiers les élus appartenant à l'Internationale associent des femmes à la gestion municipale. En cette époque où règne, étouffant, " l'ordre moral ", la Commune officialise l'union libre, conférant à la famille constituée hors mariage (concubins, enfants naturels) sa première reconnaissance légale. Enfin, la Commune bannit la prostitution considérée comme une forme de " l'exploitation commerciale de créatures humaines par d'autres créatures humaines. " Durant la Semaine sanglante, les femmes combattent sur les barricades, à l'image de Jeanne-Marie que glorifie Arthur Rimbaud, et de Louise, l'infirmière de la Fontaine-au-Roi, à qui J. B. Clément dédie Le Temps des Cerises.
Ce rôle pionnier des Communards suscite la haine des Versaillais, qui forgent le mythe des " pétroleuses ". Et Alexandre Dumas fils, auteur de La Dame aux Camélias, ose écrire : " Nous ne dirons rien de leurs femelles par respect pour toutes les femmes à qui elles ressemblent quand elles sont mortes. "
Les étrangers
Dans notre monde gangrené par le racisme, la xénophobie, le nationalisme, la Commune incarne la devise que Marx avait inscrite au bas du Manifeste communiste de 1848 : " Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! "
Nombreux sont les étrangers qui participent à la Commune : les travailleurs immigrés, nombreux, surtout Belges et Luxembourgeois, les Garibaldiens et les révolutionnaires qui cherchaient asile dans le pays incarnant les Droits de l'homme. Fait unique dans l'histoire mondiale, plusieurs étrangers occupent une place dirigeante. Un juif hongrois, ouvrier bijoutier, Léo Frankel, siège au Conseil général de la Commune. La commission des élections, le 30 mars 1871, valide ainsi son élection : " Considérant que le drapeau de la Commune est celui de la République universelle ; considérant que toute cité a le droit de donner le titre de citoyen aux étrangers qui la servent [.], la commission est d'avis que les étrangers peuvent être admis, et vous propose l'admission du citoyen Frankel.. " Léo Frankel est promu ministre du Travail et inspire toute l'œuvre sociale de la Commune. Des généraux polonais, Dombrowski et Wrobleski, assument des commandements militaires. Elisabeth Dmitrieff dirige l'Union des Femmes.
En retour, la Commune est entourée, durant son existence et après sa défaite, de la solidarité agissante du mouvement ouvrier international.
Une œuvre très novatrice
Bien que bornée par le temps et absorbée par les impératifs militaires, l'œuvre de la Commune est d'une richesse foisonnante.
La Commune entend réaliser l'aspiration du mouvement ouvrier français du XIXe siècle : " l'émancipation des travailleurs par les travailleurs eux-mêmes ". Fidèle à la Constitution de 1793, qui assignait à la société politique l'objectif d'établir " le bonheur commun ", la Commune se veut " la Sociale ". Répondant aux aspirations populaires, elle abolit le travail de nuit, interdit les amendes et retenues sur les salaires, combat le chômage, interdit l'expulsion des locataires (par ailleurs exonérés des termes encore dus), exerce un droit de réquisition sur les logements vacants.
L'armée est remplacée par la Garde nationale, c'est-à-dire le peuple en armes, élisant ses officiers et sous-officiers.
La Commune établit la gratuité de la justice, la liberté de la défense, supprime le serment politique des fonctionnaires et magistrats, eux aussi élus et révocables.
Les Églises séparées de l'Etat, la Commune instaure l'école laïque, gratuite et obligatoire, crée un enseignement professionnel, y compris pour les filles, et entame une réforme de l'enseignement. Pour en débattre démocratiquement, se réunissent dans plusieurs écoles instituteurs, parents d'élèves et membres de la Société pour l'Education nouvelle (soucieuse de rénover l'enseignement).
La Commune est aussi pionnière de l'éducation populaire. Elle instaure des cours publics, que Louise Michel évoquera avec enthousiasme : " Partout les cours étaient ouverts, répondant à l'ardeur de la jeunesse. On y voulait tout à la fois, arts, sciences, littérature, découvertes, la vie flamboyait. On avait hâte de s'échapper du vieux monde. " La Commune rouvre bibliothèques, musées, théâtres. Les concerts donnés aux Tuileries sont très prisés. Dans cet épanouissement de la culture populaire, un rôle important est dévolu à la Fédération des Artistes (avec Courbet, Daumier, Manet, Dalou, Pottier.), qui place en tête de son programme " la libre expansion de l'art, dégagé de toute tutelle gouvernementale et de tous privilèges ".
Tout, certes, n'est point réalisé. Mais que d'anticipations !
La Commune n'est pas morte !
La répression est féroce, à la mesure de la peur et de la haine des classes dirigeantes : 25 000 à 30 000 massacrés (dont femmes et enfants), 36 000 prisonniers, 4586 déportés en Nouvelle-Calédonie.
Et pourtant, comme le chante Eugène Pottier,
" Tout ça n'empêch'pas, Nicolas, qu'la Commune n'est pas morte "
Victor Hugo exprime la même pensée : " Le cadavre est à terre, mais l'idée est debout. "
Dans le court terme, le spectre de la Commune hante les " réalistes " (tel le Versaillais en chef, Thiers) et, par là, contribue à faire échouer les tentatives de restauration monarchique. Comme le prévoyait Jules Vallès : " Avec nos fusils d'insurgés, nous avons calé la République. " Sans parler des futures réalisations de la IIIe République, en premier lieu, la laïcité de l'école, longtemps propre à la France.
Mais surtout, comme la Révolution française, la Commune constitue un événement fondateur. Elle inspire le mouvement ouvrier international, de la Commune de Carthagène en 1873 à la Révolution russe de 1917, à la Révolution spartakiste, à la Commune de Canton de 1927 et à la révolte du Chiapas aujourd'hui. Elle marque en profondeur tout le mouvement ouvrier français de la fin du XIXe et du XXe siècle, élément de ses spécificités. Elle hante encore la genèse du Front populaire, la Résistance et mai 1968, nos combats d'aujourd'hui et demain.
L'œuvre de la Commune demeure d'une extraordinaire actualité parce que, viscéralement démocratique, elle a su, dans les termes de son époque, poser et essayer de résoudre des problèmes qui nous tenaillent toujours. Certes, à temps nouveaux, solutions neuves. Si jamais l'histoire ne se répète, un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir.
Dans notre univers inégalitaire, inhumain, dominé par le pouvoir de l'argent, prônant le culte de la réussite individuelle, et où le ventre de la " bête immonde " engendre toujours racisme, xénophobie, fanatisme, redonnons chair et vie au triptyque gravé de façon très formaliste au fronton de nos édifices publics : Liberté, Égalité, Fraternité.
L'association des Amis de la Commune de Paris, héritière de La Fraternelle créée par les Communards à leur retour d'exil, a pour but de faire fleurir son héritage, si fécond pour nos combats d'aujourd'hui et de demain.
Les Amis de la Commune de Paris
Article publié le mercredi 19 mars 2008
Le temps des cerises (1866) Paroles : Jean-Baptiste Clément (1837-1903). Musique : Antoine Renard.
Devenu l'hymne des anciens communards, "Le temps des cerises", fut dédié en 1882 par le chansonnier et militant républicain Jean-Baptiste Clément à la communarde et militante anarchiste Louise Michel.
Quand nous chanterons le temps des cerises Et gai rossignol et merle moqueur Seront tous en fête... Les belles auront la folie en tête Et les amoureux du soleil au cœur Quand nous chanterons le temps des cerises Sifflera bien mieux le merle moqueur Mais il est bien court le temps des cerises Où l'on s'en va deux cueillir en rêvant Des pendants d'oreilles... Cerises d'amour aux robes pareilles Tombant sous la feuille en gouttes de sang Mais il est bien court le temps des cerises Pendants de corail qu'on cueille en rêvant Quand vous en serez au temps des cerises Si vous avez peur des chagrins d'amour Evitez les belles... Moi qui ne crains pas les peines cruelles Je ne vivrai pas sans souffrir un jour Quand vous en serez au temps des cerises Vous aurez aussi des chagrins d'amour J'aimerai toujours le temps des cerises C'est de ce temps-là que je garde au cœur Une plaie ouverte... Et Dame Fortune, en m'étant offerte Ne saura jamais calmer ma douleur J'aimerai toujours le temps des cerises Et le souvenir que je garde au cœur
La Butte Rouge (1923) Parole : Georges Montéhus (1872-1952). Musique : Georges Krier.
Chanson qui exprime le dégoût de l'effroyable boucherie de la Première guerre mondiale (1914-1918). La butte est celle de Bapaume en Champagne.
Sur c'te butt'là y'avait pas d'gigolettes Pas de marlous ni de beaux muscadins. Ah ! C'était loin du Moulin d'la Galette, Et de Panam' qu'est le roi des pat'lins. C'qu'elle en a bu du beau sang cette terre, Sang d'ouvriers et sang de paysans, Car les bandits qui sont cause des guerres N'en meurent jamais, on n'tue qu'les innocents ! Refrain La Butt' Rouge, c'est son nom, l'baptême s'fit un matin Où tous ceux qui montaient roulaient dans le ravin. Aujourd'hui y'a des vignes, il y pousse du raisin. Qui boira ce vin là, boira l'sang des copains. Sur c'te butt'là on n'y f'sait pas la noce Comme à Montmartr' où l'champagne coul' à flots; Mais les pauvr's gars qu'avaient laissé des gosses Y f'saient entendre de terribles sanglots ! C'qu'elle en a bu des larmes cette terre, Larm's d'ouvriers, larmes de paysans, Car les bandits qui sont cause des guerres Ne pleurent jamais, car ce sont des tyrans ! Refrain La Butt' Rouge, c'est son nom, l'baptême s'fit un matin Où tous ceux qui montaient roulaient dans le ravin. Aujourd'hui y'a des vignes, il y pousse du raisin. Qui boit de ce vin là, boit les larmes des copains Sur c'te butt'là, on y r'fait des vendanges, On y entend des cris et des chansons ; Filles et gars doucement y échangent Des mots d'amour qui donnent le frisson. Peuvent-ils songer, dans leurs folles étreintes, Qu'à cet endroit où s'échangent leurs baisers, J'ai entendu la nuit monter des plaintes Et j'y ai vu des gars au crâne brisé ! Refrain La Butt' Rouge, c'est son nom, l'baptême s'fit un matin Où tous ceux qui montaient roulaient dans le ravin. Aujourd'hui y'a des vignes, il y pousse du raisin. Mais moi j'y vois des croix portant l'nom des copains !
La chanson de Craonne Quand au bout d'huit jours, le r'pos terminé, On va r'prendre les tranchées, Notre place est si utile Que sans nous on prend la pile. Mais c'est bien fini, on en a assez, Personn' ne veut plus marcher, Et le coeur bien gros, comm' dans un sanglot On dit adieu aux civ'lots. Même sans tambour, même sans trompette, On s'en va là haut en baissant la tête. {Refrain:} Adieu la vie, adieu l'amour, Adieu toutes les femmes. C'est bien fini, c'est pour toujours, De cette guerre infâme. C'est à Craonne, sur le plateau, Qu'on doit laisser sa peau Car nous sommes tous condamnés C'est nous les sacrifiés ! Huit jours de tranchées, huit jours de souffrance, Pourtant on a l'espérance Que ce soir viendra la r'lève Que nous attendons sans trêve. Soudain, dans la nuit et dans le silence, On voit quelqu'un qui s'avance, C'est un officier de chasseurs à pied, Qui vient pour nous remplacer. Doucement dans l'ombre, sous la pluie qui tombe Les petits chasseurs vont chercher leurs tombes. {au Refrain} C'est malheureux d'voir sur les grands boul'vards Tous ces gros qui font leur foire ; Si pour eux la vie est rose, Pour nous c'est pas la mêm' chose. Au lieu de s'cacher, tous ces embusqués, F'raient mieux d'monter aux tranchées Pour défendr' leurs biens, car nous n'avons rien, Nous autr's, les pauvr's purotins. Tous les camarades sont enterrés là, Pour défendr' les biens de ces messieurs-là. {au Refrain} Ceux qu'ont l'pognon, ceux-là r'viendront, Car c'est pour eux qu'on crève. Mais c'est fini, car les trouffions Vont tous se mettre en grève. Ce s'ra votre tour, messieurs les gros, De monter sur l'plateau, Car si vous voulez la guerre, Payez-la de votre peau ! Chanson anonyme
La Marseillaise
Paroles et musique : Léo Ferré
J'connais un' grue sur le Vieux Port
Avec des dents longu's comm' la faim
Et qui dégraf' tous les marins
Qu'ont l'âme chagrine et le cour d'or
C'est à Marseille que j'vais la voir
Quand le soleil se fout en tweed
Et que l'mistral joue les caïds
C'est à Marseille qu'ell' traîn' le soir
Elle a des jupes à embarquer
Tous les chalands qui traîn'nt la nuit
Et des froufrous qui font tant d'bruit
Qu'on les entend au bout du quai
Il suffit d'y mettre un peu d'soi
C'est un' putain qu'aime que la braise
Et moi j'l'appelle la Marseillaise
C'est bien le moins que je lui dois
Arrête un peu que j'vois
Su tu fais l'poids
Et si j'en aurai pour mon fric
Arrête un peu que j'vois
Si les étoiles couchent avec toi
Et tu m'diras
Combien j'te dois
J'connais un' grue dans mon pays
Avec les dents longu's comm' le bras
Et qui s'tapait tous les soldats
Qu'avaient la mort dans leur fusil
C'est à Verdun qu'on peut la voir
Quand les souv'nirs se foutent en prise
Et que l'vent d'est pose sa valise
Et qu'les médaill's font le trottoir
Elle a un' voix à embarquer
Tous les traîn'-tapins qu'elle rencontre
Et il paraît qu'au bout du compte
Ça en fait un drôl' de paquet
Il suffit d'y mettre un peu d'soi
Au fond c'est qu'un' chanson française
Mais qu'on l'appell' la Marseillaise
Ça fait bizarr' dans ces coins-là
Arrête un peu que j'vois
Si t'as d'la voix
Si j'en aurais pour mes galons
Arrête un peu que j'vois
Et puis qu'j'abreuve tous vos sillons
Et j'vous dirai
Combien ça fait
J'connais un' grue qu'a pas d'principes
Les dents longu's comme un jour sans pain
Qui dégrafait tous les gamins
Fumant leur vie dans leur cass'-pipe
C'est dans les champs qu'ell' traîn' son cul
Où y a des croix comm' des oiseaux
Des croix blanch's plantées pour la peau
La peau des autr's bien entendu
Cell'-là on peut jamais la voir
A moins d'y voir les yeux fermés
Et l'périscop' dans les trous d'nez
Bien allongé sous le boul'vard
Suffit d'leur filer quat' bouts d'bois
Et d'fair' leur lit dans un peu d'glaise
Et d'leur chanter la Marseillaise
Et d'leur faire un' bell' jambe de bois
Arrête un peu tes cuivres
Et tes tambours
Et ramèn' moi l'accordéon
Arrête un peu tes cuivres
Que je puiss' finir ma chanson
Le temps que j'baise
Ma Marseillaise
Bella Ciao est le chant des partisans italiens.
Il s'inspire d'une chanson populaire, traditionnelle et protestataire chantée par les "mondine", des femmes travaillant dans les rizières de la plaine du Pô.
L'expression "Bella ciao" en italien n'a pas vraiment de sens, c'est plutôt une interjection. Elle est utilisée ici pour interpeler le spectateur sur le
sort des "mondine", puis des partisans.
Versions italiennes Version originelle Alla mattina appena alzata O bella ciao bella ciao bella ciao, ciao,ciao Alla mattina appena alzata In risaia mi tocca andar E fra gli insetti e le zanzare O bella ciao bella ciao bella ciao ciao ciao E fra gli insetti e le zanzare Un dur lavoro mi tocca far Il capo in piedi col suo bastone O bella ciao bella ciao bella ciao ciao ciao Il capo in piedi col suo bastone E noi curve a lavorar O mamma mia o che tormento O bella ciao bella ciao bella ciao ciao ciao O mamma mia o che tormento Io t'invoco ogni doman Ma verrà un giorno che tutte quante O bella ciao bella ciao bella ciao ciao ciao Ma verrà un giorno che tutte quante Lavoreremo in libertà.
Chanson de protestation piémontaise, écrite par une personne anonyme, comme souvent pour les chants populaires. Il exprime la protestation des "mondine", les femmes travaillant dans les rizières d'Italie du Nord, dans de dures conditions de travail. Celui-ci consistait à ramasser le riz dans les plantations et ce travail s'accomplissait de juin à juillet. Les femmes devaient rester courbées pendant toute la journée, les pieds dans l'eau, sous le regard et les brimades des surveillants.
Sur l'air de la chanson traditionnelle des "mondine", les paroles ont été écrites pour la lutte antifasciste.
Una mattina mi son svegliato O bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao ciao Una mattina mi son svegliato O ho trovato l'invasore O partigiano porta mi via O bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao ciao O partigiano porta mi via Ché mi sento di morir E se io muoio da partigiano O bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao ciao E se io muoio da partigiano Tu mi devi seppellir E seppellire lassù in montagna O bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao ciao E seppellire lassù in montagna Sotto l'ombra di un bel fior E le genti che passeranno O bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao ciao E le genti che passeranno Mi diranno: che bel fior È questo il fiore del partigiano O bella ciao, o bella ciao, o bella ciao ciao ciao È questo il fiore del partigiano Morto per la libertà. Traduction française Un matin, je me suis levé O bella ciao, o bella ciao, o bella ciao ciao ciao Un matin, je me suis levé Et j'ai trouvé l'ennemi Oh partisan emmène-moi O bella ciao, o bella ciao, o bella ciao ciao ciao Oh partisan emmène-moi Je me sens prêt à mourir Et si je meurs en partisan O bella ciao, o bella ciao, o bella ciao ciao ciao Et si je meurs en partisan Tu m'enterreras Tu m'enterreras sur la montagne O bella ciao, o bella ciao, o bella ciao ciao ciao Tu m'enterreras sur la montagne Sous l'ombre d'une belle fleur Et les gens qui passeront O bella ciao, o bella ciao, o bella ciao ciao ciao Et les gens qui passeront Me diront « Quelle belle fleur » Car c'est la fleur du partisan O bella ciao, o bella ciao, o bella ciao ciao ciao Car c'est la fleur du partisan Mort pour la liberté
Interprétation
.. Bella Ciao en italien par Yves Montand, Thomas Fersen, le groupe "Les motivés".
.. BellARB : Version en Breton et Français par Les Ramoneurs de menhirs.
.. Interprétée par Emir Kusturica & The No Smoking Orchestra
.. Interprétée par FERHAT (chanteur algérien kabyle) dans son dernier album 2008 "Requiem et Espoir (Adekker d'Usirem)
No pasaran Paroles : Carlos MEJIA GODOY, chanteur nicaraguayen sandiniste Musique : G. BELLI Vendrá la guerra, amor, y en el combate no habrá tregua ni freno para el canto sino poesia haciendo incontenible del cañon, de fusiles libertarios. Vendrá la guerra, amor, y en el combate nos fundiremos en las barricadas defendiendo las hordas criminales a punta de corazón, fuego y metralla cavando sudorosos el futuro en las faldas de la paz. (¡ Aqui están los cachorros de Sandino !). ¡ No pasaran ! ¡ Los venceremos, amor, no pasarán ! Si mañana que irrumpa el nuevo día con su fiesta de pájaros y niños aunque no estemos juntos, te lo juro no, ! no pasarán ! Vendrá la guerra, amor y yo me envolveré en tu sombra invencible como un fiero león protegeré esta tierra y mis cachorros y nadie, nadie detendrá esta victoria armada de futuro. ¡ Hasta los dientes ! ¡ Que truene hasta la frontera ! ¡ Luchamos para vencer ! ¡ No pasarán !
L'Internationale interprétée par Coco Briaval (1871) Paroles : Eugène Pottier (1816-1887). Musique : Pierre Degeyter (1848-1932).
Ce poème révolutionnaire, écrit par Eugène Pottier pendant la répression de la Commune, a été mis en musique en 1888. Après le congrès de la IIème Internationale, à Amsterdam en 1904, l'Internationale est devenu l'hymne de nombreuses organisations ouvrières, de syndicats, de partis socialistes, communistes, trotskistes...
Debout ! les damnés de la terre Debout ! les forçats de la faim La raison tonne en son cratère : C'est l'éruption de la fin Du passé faisons table rase Foule esclave, debout ! debout ! Le monde va changer de base : Nous ne sommes rien, soyons tout ! Refrain C'est la lutte finale Groupons nous et demain L'Internationale Sera le genre humain. Il n'est pas de sauveurs suprêmes : Ni dieu, ni césar, ni tribun, Producteurs, sauvons-nous nous-mêmes ! Décrétons le salut commun ! Pour que le voleur rende gorge, Pour tirer l'esprit du cachot Soufflons nous-mêmes notre forge, Battons le fer quand il est chaud ! L'Etat opprime et la loi triche ; L'Impôt saigne le malheureux ; Nul devoir ne s'impose au riche ; Le droit du pauvre est un mot creux. C'est assez languir en tutelle, L'égalité veut d'autres lois ; "Pas de droits sans devoirs, dit-elle, "Egaux, pas de devoirs sans droits !" Hideux dans leur apothéose, Les rois de la mine et du rail Ont-ils jamais fait autre chose Que dévaliser le travail ? Dans les coffres-forts de la bande Ce qu'il a créé s'est fondu. En décrétant qu'on le lui rende Le peuple ne veut que son dû. Les Rois nous saoulaient de fumées. Paix entre nous, guerre aux tyrans ! Appliquons la grève aux armées, Crosse en l'air et rompons les rangs ! S'ils s'obstinent, ces cannibales, A faire de nous des héros, Ils sauront bientôt que nos balles Sont pour nos propres généraux. Ouvriers, Paysans, nous sommes Le grand parti des travailleurs ; La terre n'appartient qu'aux hommes, Le riche ira loger ailleurs. Combien de nos chairs se repaissent ! Mais si les corbeaux, les vautours, Un de ces matins disparaissent, Le soleil brillera toujours !
L'affiche rouge Vous n'avez réclamé ni gloire ni les larmes Ni l'orgue ni la prière aux agonisants Onze ans déjà que cela passe vite onze ans Vous vous étiez servis simplement de vos armes La mort n'éblouit pas les yeux des Partisans Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants L'affiche qui semblait une tache de sang Parce qu'à prononcer vos noms sont difficiles Y cherchait un effet de peur sur les passants Nul ne semblait vous voir Français de préférence Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant Mais à l'heure du couvre-feu des doigts errants Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE Et les mornes matins en étaient différents Tout avait la couleur uniforme du givre A la fin février pour vos derniers moments Et c'est alors que l'un de vous dit calmement Bonheur à tous Bonheur à ceux qui vont survivre Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand Adieu la peine et le plaisir Adieu les roses Adieu la vie adieu la lumière et le vent Marie-toi sois heureuse et pense à moi souvent Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses Quand tout sera fini plus tard en Erivan Un grand soleil d'hiver éclaire la colline Que la nature est belle et que le cour me fend La justice viendra sur nos pas triomphants Ma Mélinée ô mon amour mon orpheline Et je te dis de vivre et d'avoir un enfant Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent Vingt et trois qui donnaient le cour avant le temps Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir Vingt et trois qui criaient la France en s'abattant
Paroles : Louis Aragon - Musique : Jean Ferrat, Maurice Vandair - Interprète : Léo Ferré
Le déserteur (1954) Paroles : Boris Vian (1920-1959). Musique : Harold Berg.
La plus célèbre des chansons de Boris Vian fut aussi interprétée par Mouloudji, Serge Reggiani, Richard Anthony, Claude Vinci, Leny Escudero. Ecrit à la fin de la guerre d'Indochine et juste avant le début de celle d'Algérie, "Le Déserteur" fut interdit à la radio dans sa version initiale dont le dernier couplet se terminait par :
"Si vous me poursuivez Prévenez vos gendarmes Que je tiendrai une arme Et que je sais tirer"
Monsieur le président Je vous fais une lettre Que vous lirez peut-être Si vous avez le temps. Je viens de recevoir Mes papiers militaires Pour partir à la guerre Avant mercredi soir. Monsieur le président Je ne veux pas la faire Je ne suis pas sur Terre Pour tuer des pauvres gens. C'est pas pour vous fâcher, Il faut que je vous dise, Ma décision est prise, Je m'en vais déserter. Depuis que je suis né, J'ai vu mourir mon père, J'ai vu partir mes frères Et pleurer mes enfants. Ma mère a tant souffert Qu'elle est dedans sa tombe Et se moque des bombes Et se moque des vers. Quand j'étais prisonnier, On m'a volé ma femme, On m'a volé mon âme, Et tout mon cher passé. Demain de bon matin Je fermerai ma porte Au nez des années mortes, J'irai sur les chemins. Je mendierai ma vie Sur les routes de France, De Bretagne en Provence Et je crierai aux gens : "Refusez d'obéir, Refusez de la faire, N'allez pas à la guerre, Refusez de partir." S'il faut donner son sang, Allez donner le vôtre, Vous êtes bon apôtre Monsieur le président. Si vous me poursuivez, Prévenez vos gendarmes Que je n'aurai pas d'armes Et qu'ils pourront tirer.
Le massacre du 17 octobre 1961
Maurice Papon, Préfet de Police, décide le 5 octobre 1961 de mettre en place un couvre-feu, fixé de 20h30 à 5h30, pour tous les « Français musulmans d'Algérie » de la région parisienne.
Voulant manifester contre cette mesure, les dirigeants du FLN décident d'organiser une manifestation le soir du 17 octobre, en plein couvre-feu. Tous les Algériens de la région parisienne, femmes et enfants (même en très bas âge), sont alors « vivement invités » à venir manifester pacifiquement contre la mesure. Le service d'ordre du FLN procède à des fouilles pour vérifier qu'aucune arme ne sera infiltrée.
Maurice Papon donne l'ordre d'intercepter tous les Algériens et de les empêcher par tous les moyens de participer à la manifestation. Des contrôles sont effectués dans tous les grands points de passage de Paris. De nombreux Nord-Africains sont frappés et emmenés dans des centres de détention. La police annoncera plus de 11 000 internements, chiffre probablement inférieur à la réalité, dans des lieux réquisitionnés comme le palais des Sports ou le stade de Coubertin, ainsi qu'au Centre d'Identification de Vincennes (situé dans le bois de Vincennes).
Ces détentions se prolongeront sur plusieurs jours, sans la présence de médecins ni de journalistes. Les témoignages de rescapés et d'appelés feront état de passages à tabac et de décès pour défaut de soins.
Près du pont Saint-Michel, les manifestants se heurtent à la police, de nombreux Nord-Africains sont alors frappés par les policiers, et certains, inconscients ou morts, sont alors jetés dans la Seine.
Des témoins décrivent dans de nombreux quartiers de Paris des scènes d'exécution à l'arme à feu, de mutilation à l'arme blanche et d'entassement de cadavres. Plus tard dans la nuit, la police lancera des «ratonnades » dans le bidonville de Nanterre
Un journaliste américain parlera d'une « Saint-Barthélémy moderne ». Des policiers évoqueront aussi un « massacre » dans la cour de la préfecture.
De faux messages d'information sont même diffusés durant la nuit, relatant des échanges de coups de feu avec les manifestants et l'annonce de la mort de plusieurs policiers. Tous ces messages n'avaient qu'un seul but, attiser encore plus la colère des forces de l'ordre à l'encontre des Nord-Africains. Par ailleurs, l'hypothèse d'un débordement incontrôlé est à écarter, puisque Maurice Papon surveilla en personne le déroulement des opérations et se rendit même sur place pour vérifier leur efficacité.
Hasta Siempre Pour Toujours Nous avons appris à t'aimer Depuis les hauteurs de l'histoire Où le soleil de ta bravoure A courroné la mort [Refrain] Ici il reste la clarté La profonde transparence De ta chère présence Commandant Che Guevara Tu arrives en embrassant la brise Avec des soleils de printemps Pour planter le drapeau Avec la lumière de ton sourire [Refrain] Ton amour révolutionnaire Te mène à un nouveau projet Où ils attendent la fermeté De ton bras libertaire [Refrain] Nous irons vers l'avant Comme joints à toi nous continuons Et avec Fidel nous te disons (2) Pour toujours avec toi, Commandant [Refrain]
Hasta siempre
Paroles et Musique: Carlos Puebla 1965 "Y en eso llegó Fidel"
note: En hommage au Che disparu. Aprendimos a quererte Desde la histórica altura Donde el sol de tu bravura Le puso cerco a la muerte. {Refrain:} Aquí se queda la clara, La entrañable transparencia, De tu querida presencia Comandante Che Guevara. Tu mano gloriosa y fuerte Sobre la historia dispara Cuando todo Santa Clara Se despierta para verte. {au Refrain} Vienes quemando la brisa Con soles de primavera Para plantar la bandera Con la luz de tu sonrisa. {au Refrain} Tu amor revolucionario Te conduce a nueva empresa Donde esperan la firmeza De tu brazo libertario. {au Refrain} Seguiremos adelante Como junto a ti seguimos Y con Fidel te decimos: ¡Hasta siempre, Comandante! {au Refrain}
L'Estaca Paroles et musique : Lluis LLACH L'avi Siset em parlava De bon matí al portal, Mentre el sol esperàvem I els carros vèiem passar. Siset, que no veus l'estaca On estem tots lligats ? Si no podem desfer-nos-en Mai no podrem caminar ! (refrain) Si estirem tots, ella caurà I molt de temps no pot durar : Segur que tomba, tomba, tomba ! Ben corcada deu ser ja. Si tu l'estires fort per aquí I jo l'estiro fort per allà, Segur que tomba, tomba, tomba I ens podrem alliberar. Però, Siset, fa molt temps ja : Les mans se'm van escorxant, I quan la força se me'n va Ella és més ampla i més gran. Ben cert sé que està podrida Però és que, Siset, pesa tant Que a cops la força m'oblida. Torna'm a dir el teu cant É L'avi Siset ja no diu res, Mal vent que se l'emportà, Ell qui sap cap a quin indret I jo a sota el portal. I mentre passen els nous vailets Estiro el coll per cantar El darrer cant d'en Siset, El darrer que em va ensenyar Traduction française LE PIEU Grand-père Siset en parlait ainsi De bon matin sous le porche Tandis qu'attendant le soleil On regardait passer les chariots Siset, ne vois tu pas le pieu Où nous sommes tous ligotés ? Si nous ne pouvons nous en défaire Jamais nous ne pourrons avancer! Si nous tirons tous, il tombera Cela ne peut durer longtemps C'est sûr qu'il tombera, tombera, tombera Bien vermoulu, il doit être déjà Si tu le tires fort par ici Et que je le tire fort par là C'est sûr il tombera, tombera, tombera Et nous pourrons nous libérer Mais Siset ça fait longtemps déjà Mes mains à vifs sont écorchées! Et alors que mes forces me quittent Il est plus large et plus haut. Bien sur, je sais qu'il est pourri Mais aussi Siset, il est si lourd Que parfois les forces me manquent Rechante moi ta chanson. Si nous tirons tous, il tombera Cela ne peut durer longtemps C'est sûr qu'il tombera, tombera, tombera Bien vermoulu, il doit être déjà. Si tu le tires fort par ici Et que je le tire fort par là C'est sûr il tombera, tombera, tombera Et nous pourrons nous libérer. Grand-père Siset ne dis plus rien Un mauvais vent l'a emporté Lui seul sait vers quel lieu Et moi je reste sous le porche. Et quand passent d'autres valets Je lève la tête pour chanter Le dernier chant de Siset Le dernier qu'il m'a appris Si nous tirons tous, il tombera Cela ne peut durer longtemps C'est sûr qu'il tombera, tombera, tombera Bien vermoulu, il doit être déjà Si tu le tires fort par ici Et que je le tire fort par là C'est sûr il tombera, tombera, tombera Et nous pourrons nous libérer
Bicentenaire Paroles et musique: Jean Ferrat J'ai vu des ducs j'ai vu des princes Des barons des comtes des rois Des marquises à la taille mince Qui dansaient au son des hautbois Dans des châteaux pleins de lumière Où les fêtes resplendissaient Où l'on chantait "il pleut bergère" Dans le velours et dans la soie Mais dans sa chaumière Mais dans sa chaumière Je n'ai pas vu pauvre Martin Pauvre Martin pauvre misère Avec sa femme et ses gamins J'ai tremblé devant la colère Des va-nu-pieds des paysans Renversant l'ordre millénaire Dans la fureur et dans le sang J'ai vu la terreur apparaître Les châteaux partir en fumée Les délateurs régner en maîtres Dans une France sans pitié Mais dans sa chaumière Mais dans sa chaumière Je n'ai pas vu pauvre Martin Pauvre Martin pauvre misère Tremblant de froid mourant de faim J'ai frémi pour ces grandes dames Ces beaux seigneurs si émouvants Qui montraient tant de grandeur d'âme De noblesse de sentiments Avant que leurs têtes grimacent Au bout des piques acérées Agitées par la populace Des sans-culottes avinés Mais dans sa chaumière Mais dans sa chaumière Je n'ai pas vu pauvre Martin Pauvre Martin pauvre misère Creusant la terre de ses mains Deux siècles après quatre-vingt-neuf Il fallait oser l'inventer A la télé on fait du neuf En acquittant la royauté Deux siècles après quatre-vingt-neuf D'autres seigneurs veillent au grain Et toi qui vivais comme un bouf Ce sont tes maîtres que l'on plaint A six pieds sous terre Ton bicentenaire Ils l'ont enterré bel et bien Pauvre Martin pauvre misère C'est toujours le peuple qu'on craint Pauvre Martin pauvre misère C'est toujours le peuple qu'on craint
La bête immonde Paroles et Musique: Claude Lemesle, Michel Fugain 1995 Elle est vivante, elle a encore La haine au ventre, la rage au corps La bête immonde Qu'elle tourne au loin comme un vautour Ou Rampe et ronge tout autour La bête immonde Depuis le temps qu'elle a fait le trou De sa tanière grise Là-bas, ici, partout Au coeur de chacun de nous Elle est l'enfant que la bêtise A conçu avec l'ombre La bête immonde Depuis le temps qu'on laisse faire Tous les suppôts de son enfer La bête immonde Qu'elle a vomi des Gestapo Dans toutes les guerres, tous les ghettos La bête immonde Que les salauts dans les salons Lui trouvent des excuses Lui trouvent des raisons Plébiscitées par les cons Elle est la fille de la rue Qui naît des décombres La bête immonde O pleure, pleure ma mère la terre Des larmes de siècles et de sang O pleure, pleure des gouttes d'océan Sur les chants qui montent des wagons Les camps, les tortionnaires Les frères qui clouent leurs frères Au poteau des religions O pleure ma mère la terre Au fond de tes entrailles gronde La bête immonde Mais qui va lui planter le pieu dans le coeur ? Qui va l'amputer du goût de l'horreur ? Elle qui étrangle les ethnies Etrangle les poètes Etouffe les hommes honnêtes Au baillon des calomnies Il lui faut faire sauter la tête Avec sa propre bombe La bête immonde Depuis qu'elle nous pollue l'histoire A coup de glaive, à coup de gloire La bête immonde Que son crachat sur ton drapeau Dépend de la couleur de peau La bête immonde Depuis qu'elle rôde avec sa faux Emblème de son règne Depuis qu'elle dit Je t'aime Aux cagoules, aux échafauds Il faur cribler de chrysanthèmes Jusqu'à ce qu'elle succombe La bête immonde O pleure, pleure ma mère la terre Des larmes de siècles et de sang O pleure, pleure des gouttes d'océan Sur les bouquins, dans les bûchers Les cris des ratonnades Sur les croix des croisades Et les continents barbelés O pleure, ma mère la terre Au fond de tes entrailles gronde La bête immonde Mais qui va lui planter le pieu dans le coeur ? Qui va l'amputer du goût de l'horreur ? O pleure, ma mère la terre Au fond de tes entrailles gronde La bête immonde O pleure, ma mère la terre Au fond de tes entrailles gronde La bête immonde.
Dingue Paroles et musique de Jean Ferrat Pour faire ma pub' Descends ton slip J'te f'rai un tube Avec mon clip Image de fesse A bout portant Il pleut à verse Sur mon écran Ouvre les cuisses Que je te mate Mon audimat Est au beau fixe Les idées-chocs Le poids du fric Je baisse mon froc Sur cette éthique La vie débloque A tout berzingue Dans mon époque Je deviens dingue Au faire savoir Succède le voir A défaut d'être Il faut paraître J'ai la moutarde Qui m'monte au nez Passe la rhubarbe Voila l'séné A toi l'Oscar A moi l'Sept d'or A toi l'César A nous l'veau d'or Tu s'ras au Hit Je s'rai au Top J'te félicite Bravo mon pote La vie débloque A tout berzingue Dans mon époque Je deviens dingue Faut des gagneurs Faut des perdants Mort aux losers Place aux battants Vole une pomme Et tu es cuit Descends un homme T'as du sursis Un flic tabasse Un jeune en loques Ça laisse pas d'traces Justice en toc Un flic qui casse Comme un canaque Putain d'ta race Un beur qui claque La vie débloque A tout berzingue Dans mon époque Je deviens dingue La France qui gagne Les p'tits boulots Les années bagne Métro dodo La France qui trinque Dans les banlieues Passe-moi la s'ringue A être heureux Si t'as des fois Mal aux magouilles L'état de droit Qui part en couilles Si ça te ronge Aux entournures Prends donc l'éponge Aux fausses factures La vie débloque A tout berzingue Dans mon époque Je deviens dingue T'as pas 100 balles Pour le cancer T'as pas 100 balles Pour le SIDA T'as pas 100 balles Pour la misère T'as pas 100 balles Pendant c'temps-là 500 milliards Partent en fumée 500 milliards Partent en fusées 500 milliards Aux militaires 500 milliards Foutus en l'air La vie débloque A tout berzingue Dans mon époque Je deviens dingue Maman bobo J'ai mal au cour Papa Rambo Fait un malheur Avec sa guerre En vidéo Qui rassérène Le populo Avec ses bombes Aseptisées Ses hécatombes Banalisées Il fait la r'tape Au consensus Sa force de frappe J'l'ai dans l'anus La vie débloque A tout berzingue Dans mon époque Je deviens dingue
Mon hommage à Jean
Tristesse d'un soir Et tristesse à jamais Tu étais l'espoir Qui souvent nous comblait Le printemps arrive bientôt Que tu ne verras pas Il apportera son lot De ces grands fracas Que tu savais pointés De tes fiers accents Au nom de la liberté Sacrifiée si souvent Tu t'en vas très loin Quand le racisme nous revient Mais tes chansons au moins Resteront nous faire du bien YF 13 mars 2010, 23 heures
El Ejercito del Ebro (Le passage de l'Ebre) El ejercito del Ebro Rum balabum balabum bam bam Una noche el rio paso Ay Carmela, ay Carmela Y las tropas invasoras Rum balabum balabum bam bam Buena paliza les dio Ay Carmela, ay Carmela El furor de los traidores Rum balabum balabum bam bam Lo descarga su aviacion Ay Carmela, ay Carmela Pero nada pueden bombas Rum balabum balabum bam bam Donde sobra corazon Ay Carmela, ay Carmela Contrataques muy rabiosos Rum balabum balabum bam bam Deberemos resistir Ay Carmela, ay Carmela Pero igual que combatimos Rum balabum balabum bam bam Prometemos resistir Ay Carmela, ay Carmela
El Pueblo Unido Paroles et musique : Sergio ORTEGA Gritado: El pueblo unido jamás será vencido! El pueblo unido jamás será vencido! Cantando; De pie cantar, que vamos a triunfar, avanzan ya banderas de unidad y tú vendrás marchando junto a mi y así verás tu canto y tu bandera al florecer. La luz de un rojo amanecer anuncia ya la vida que vendrá, De pie marchar, que el pueblo va a triunfar; será mejor la vida que vendrá, A conquistar nuestra felicidad y en su clamor mil voces de combate se alzaran; dirán canción de libertad. Con decisión la patria vencerá. Y ahora el pueblo que se alza en la lucha con voz de gigante gritando; adelante! Gritado: El pueblo unido jamás será vencido! El pueblo unido jamás será vencido! Cantado; La patria está forjando la unidad; de norte a sur, se movilizará, desde el salar ardiente y mineral, al bosque austral, unidos en la lucha y el trabajo, irán, la patria cubrirán. Su paso ya anuncia el porvenir. De pie cantar, que el pueblo va a triunfar. Millones ya imponen la verdad; de acero son, ardiente batallón, sus manos van llevando la justicia y la razón. Mujer, con fuego y con valor ya estás aquí junto al trabajador. Y ahora el pueblo que se alza en la lucha con voz de gigante gritando; adelante! Gritado: El pueblo unido jamás será vencido! El pueblo unido jamás será vencido!
Gli Anarchici (Les anarchistes) Paroles et musique :Léo FERRÉ Non son l'uno per cento ma credetemi esistono In gran parte spagnoli chi lo sa mai perché Penseresti che in Spagna proprio non li capiscano Sono gli anarchici Han raccolto già tutto Di insulti e battute E più hanno gridato Più hanno ancora fiato Hanno chiuso nel petto Un sogno disperato E le anime corrose Da idee favolose Non son l'uno per cento ma credetemi esistono Figli di troppo poco o di origine oscura Non li si vede mai che quando fan paura Sono gli anarchici Mille volte son morti Come è indifferente Con l'amore nel pugno Per troppo o per niente Han gettato testardi La vita alla malora Ma hanno tanto colpito Che colpiranno ancora Non son l'uno per cento ma credetemi esistono e se dai calci in culo c'è da incominciare Chi è che scende per strada non lo dimenticare Sono gli anarchici Hanno bandiere nere Sulla loro Speranza E la malinconia Per compagna di danza Coltelli per tagliare Il pane dell'Amicizia E del sangue pulito Per lavar la sporcizia Non son l'uno per cento ma credetemi esistono Stretti l'uno con l'altro e se in loro non credi Li puoi sbattere in terra ma sono sempre in piedi Sono gli anarchici
Jaurès Paroles et Musique: Jacques Brel 1977 Ils étaient usés à quinze ans Ils finissaient en débutant Les douze mois s'appelaient décembre Quelle vie ont eu nos grand-parents Entre l'absinthe et les grand-messes Ils étaient vieux avant que d'être Quinze heures par jour le corps en laisse Laissent au visage un teint de cendres Oui notre Monsieur, oui notre bon Maître Pourquoi ont-ils tué Jaurès ? Pourquoi ont-ils tué Jaurès ? On ne peut pas dire qu'ils furent esclaves De là à dire qu'ils ont vécu Lorsque l'on part aussi vaincu C'est dur de sortir de l'enclave Et pourtant l'espoir fleurissait Dans les rêves qui montaient aux cieux Des quelques ceux qui refusaient De ramper jusqu'à la vieillesse Oui notre bon Maître, oui notre Monsieur Pourquoi ont-ils tué Jaurès ? Pourquoi ont-ils tué Jaurès ? Si par malheur ils survivaient C'était pour partir à la guerre C'était pour finir à la guerre Aux ordres de quelque sabreur Qui exigeait du bout des lèvres Qu'ils aillent ouvrir au champ d'horreur Leurs vingt ans qui n'avaient pu naître Et ils mouraient à pleine peur Tout miséreux oui notre bon Maître Couverts de prèles oui notre Monsieur Demandez-vous belle jeunesse Le temps de l'ombre d'un souvenir Le temps de souffle d'un soupir Pourquoi ont-ils tué Jaurès ? Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?
La Commune Paroles: Georges Coulonges. Musique: Jean Ferrat 1971 Il y a cent ans commun commune Comme un espoir mis en chantier Ils se levèrent pour la Commune En écoutant chanter Potier Il y a cent ans commun commune Comme une étoile au firmament Ils faisaient vivre la Commune En écoutant chanter Clément C'étaient des ferronniers Aux enseignes fragiles C'étaient des menuisiers Aux cent coups de rabots Pour défendre Paris Ils se firent mobiles C'étaient des forgerons Devenus des moblots Il y a cent ans commun commune Comme artisans et ouvriers Ils se battaient pour la Commune En écoutant chanter Potier Il y a cent ans commun commune Comme ouvriers et artisans Ils se battaient pour la Commune En écoutant chanter Clément Devenus des soldats Aux consciences civiles C'étaient des fédérés Qui plantaient un drapeau Disputant l'avenir Aux pavés de la ville C'étaient des forgerons Devenus des héros Il y a cent ans commun commune Comme un espoir mis au charnier Ils voyaient mourir la Commune Ah ! Laissez-moi chanter Potier Il y a cent ans commun commune Comme une étoile au firmament Ils s'éteignaient pour la Commune Ecoute bien chanter Clément
Immigrés
Insa Sané & Soul Slam Band
Paroles d'Insa Sané
Insa, ancien élève du lycée Jean-Jacques Rousseau de Sarcelles (baccalauréat 1993), est aussi acteur et romancier. Il a déjà publié :
"Du plomb dans le crâne" sera porté à l'écran en 2010. Insa travaille actuellement au scénaruio.
Farrell, Sonia, Djiraël : tous croient à l'élection de Barack Obama.
Qui sait ? La vie pourrait changer, jusque dans les banlieues françaises... Farrell pourrait sortir du tryptique RER-Assedic- plans-galère. Sonia pourrait devenir la nouvelle Marylin - ou Loana, au choix - sans mettre sa virginité sur le marché. Djiraël pourrait cesser de faire croire à sa mère qu'il suit le droit chemin malgré le racisme quotidien. Même les flics Tonton Black Jacket et Lait de Vache rêvent de changement ! Mais leur destin à tous bascule en même temps que celui du monde, quand le président de tous les espoirs est assassiné.
Une certitude : la ville aime la chair, et quand les rêves s'effondrent, elle se régale.
L'auteur en quelques mots... Né à Dakar en 1974, Insa Sané a grandi à Sarcelles.
Artiste aux multiples talents, il est comédien, slameur et rappeur avec son groupe le Soul Slam Band, et surtout auteur, avec les deux premiers volets de sa « Comédie Urbaine », publiés dans la collection Exprim' : Sarcelles-Dakar (2006) et Du plomb dans le crâne (2008), dont on retrouve ici les personnages, pris dans une nouvelle tourmente.
26 août 2008 Par Fabrice Arfi
Un grand homme, l'écrivain et sémiologue Roland Barthes (1915-1980), a dit un jour que «la politesse est plus généreuse que la franchise, car elle signifie qu'on croit à l'intelligence de l'autre». L'étude du comportement présidentiel de ces derniers mois a de quoi inquiéter quant à la politesse d'esprit du chef de l'Etat. Ce sont toujours des petites phrases, des petits gestes, des petites manies surprises en pleine vie publique mais qui en disent long sur la vérité du personnage qui nous gouverne. Voici, en cinq dates, le récit en images d'une certaine vulgarité d'Etat.
· 20 AOÛT 2008
Nicolas Sarkozy se rend à Kaboul (Afghanistan) après le lourd tribut payé par l'armée française qui a perdu dix soldats dans une embuscade tendue par les talibans. Sur l'estrade, le président de la République, qui ne parle surtout que de lui, déclare l'air grave: «Si c'était à refaire, je le referais... Pas la patrouille». Et Nicolas Sarkozy d'étouffer un rire (nerveux ?). La classe.
· 23 FÉVRIER 2008
Jacques Chirac adorait. Nicolas Sarkozy a détesté. Le Salon de l'agriculture, bien sûr. Pour sa première visite au cœur de la mecque bovine et fromagère, l'hôte de l'Elysée s'est fait surprendre par une caméra du Parisien.fr en train d'insulter un homme qui a refusé de lui serrer la main. Le malotru s'est fait renvoyer dans ses seize mètres par le chef de l'Etat d'un célébrissime et non moin gracieux: «Casse-toi pauvre con». Pour désamorcer la polémique qui s'ensuivit, les hommes du Président ont cru bon de dire qu'après tout il parlait là «comme tous les Français». Comme si tous les Français étaient vulgaires.
· 4 FÉVRIER 2008
Visite éclair de Nicolas Sarkozy sur le site de l'usine d'ArcelorMittal à Gandrange (Moselle) où six cents salariés sont menacés de se retrouver sur le carreau. Le président de la République vient témoigner du soutien de l'Etat auprès la masse des sidérurgistes paralysés par l'avenir. Le jeune marié qu'il est ne peut pas s'empêcher de lâcher, deux jours après son union avec Carla Bruni: «Je dois dire que Gandrange comme voyage de noces, il n'y a pas mieux». La classe, toujours la classe.
· 4 FÉVRIER 2008 (bis)
Le même jour, le chef d'Etat se rend en Roumanie pour y signer un «partenariat stratégique». Après avoir paraphé les textes officiels, Nicolas Sarkozy ne se prive pas pour repartir avec un stylo de marque qu'il n'avait pas en arrivant. La séquence avait été révélée à l'époque par Canal+.
· 20 DÉCEMBRE 2007
Notre parangon d'élégance républicaine est reçu au Vatican par le pape Benoît XVI. Nicolas Sarkozy est accompagné d'un autre modèle de distinction verbale: l'humoriste Jean-Marie Bigard. Une dépêche de l'agence de presse britannique Reuters nous apprend que «malgré la solennité du moment et bien qu'à quelques centimètres du pape, Nicolas Sarkozy a subrepticement consulté un message sur son téléphone portable». Quelques jours plus tard, le 13 janvier 2008, il récidivera en Arabie Saoudite en présence du roi.
www.mediapart.fr/club/blog/fabrice-arfi/260808/une-certaine-vulgarite-d-etatLe tango de l'ennui (1974) Paroles et musique de François Béranger Je mesure aujourd'hui combien favorisé J'étais quand je travaillais chez P'tit Louis A Billancourt sur Seine dans l'entrepôt modèle Je participais à l'expansion. A 5 heures du matin, levé comme à l'aveugle Se lever avaler son café S'enfoncer dans le noir, prendre le bus d'assaut Piétiner dans le métro, c'était le pied. Anastasie, l'ennui m'anesthésie. S'engouffrer au vestiaire, cavaler pour pointer, Enlever sa casquette devant le chef. Baigner toute la journée dans l'huile polluée Faire tourner la machine, quelle santé! Surtout ne pas parler et ne pas trop rêver, C'est comme ça que les accidents arrivent Et puis le soir venu, repartir dans l'autre sens, vers le même enthousiasmant voyage. Anastasie, l'ennui m'anesthésie. Heureusement, un jour, sur Pont-de-Sèvres-Montreuil, Dans le bain de vapeur quotidien, Dans la demi-conscience, au hasard d'un chaos, J'ai senti dans mon dos tes deux seins. Je me suis retourné, je t'ai bien regardée, Et j'ai mis mes deux mains sur tes seins. Tu m'as bien regardé et tu n'as pas bronché, Bien mieux tu m'as souri et j'ai dit: Anastasie, l'ennui m'anesthésie. Tu t'appelais Ernestine, ou peut-être Honorine mais moi je préfère Anastasie. On a été chez toi, ça a duré des mois, J'ai oublié d'aller chez P'tit Louis. Qu'est-ce qu'on peut voyager dans une petite carrée On a été partout où c'est bon. Et puis un soir venu, pour éviter l'ennui On a décidé de se séparer. Anastasie, l'ennui m'anesthésie. La morale de ce tango, tout à fait utopique, C'est que c'est pas interdit de rêver C'est que si tous les prolos, au lieu d'aller pointer, Décidaient un jour de s'arrêter Et d'aller prendre leur pied, où c'que ça leur plairait Ce serait bien moins polluant que l'ennui Y'aurait plus de gars comme moi, comme j'étais autrefois Qui se répétaient tout le temps pour tuer le temps. Anastasie, l'ennui m'anesthésie.
Outre-mer - le Manifeste de la révolte sociale
Tandis que le pouvoir use de la force contre les grévistes, donner une suite à la révolte sociale dans les DOM : c'est l'objet du Manifeste pour les produits de haute nécessité que publie l'Humanité. Neuf artistes et intellectuels, dont les écrivains Edouard Glissant et Patrick Chamoiseau, suggèrent dans ce long texte un modèle économique autre pour les DOM. Et une perspective politique à la révolte.
Martinique - Guadeloupe - Guyane - Réunion
MANIFESTE POUR LES « PRODUITS » DE HAUTE NECESSITE.
« Au moment où le maître, le colonisateur proclament « il n'y a jamais eu de peuple ici », le peuple qui manque est un devenir, il s'invente, dans les bidonvilles et les camps, ou bien dans les ghettos, dans de nouvelles conditions de lutte auxquelles un art nécessairement politique doit contribuer »
Gilles Deleuze, L'image-temps
Cela ne peut signifier qu'une chose : non pas qu'il n'y a pas de route pour en sortir, mais que l'heure est venue d'abandonner toutes les vieilles routes.
Aimé Césaire, Lettre à Maurice Thorez.
C'est en solidarité pleine et sans réserve aucune que nous saluons le profond mouvement social qui s'est installé en Guadeloupe, puis en Martinique, et qui tend à se répandre à la Guyane et à la Réunion. Aucune de nos revendications n'est illégitime. Aucune n'est irrationnelle en soi, et surtout pas plus démesurée que les rouages du système auquel elle se confronte. Aucune ne saurait donc être négligée dans ce qu'elle représente, ni dans ce qu'elle implique en relation avec l'ensemble des autres revendications. Car la force de ce mouvement est d'avoir su organiser sur une même base ce qui jusqu'alors s'était vu disjoint, voire isolé dans la cécité catégorielle -- à savoir les luttes jusqu'alors inaudibles dans les administrations, les hôpitaux, les établissements scolaires, les entreprises, les collectivités territoriales, tout le monde associatif, toutes les professions artisanales ou libérales...
Mais le plus important est que la dynamique du Lyannaj -- qui est d'allier et de rallier, de lier relier et relayer tout ce qui se trouvait désolidarisé -- est que la souffrance réelle du plus grand nombre (confrontée à un délire de concentrations économiques, d'ententes et de profits) rejoint des aspirations diffuses, encore inexprimables mais bien réelles, chez les jeunes, les grandes personnes, oubliés, invisibles et autres souffrants indéchiffrables de nos sociétés. La plupart de ceux qui y défilent en masse découvrent (ou recommencent à se souvenir) que l'on peut saisir l'impossible au collet, ou enlever le trône de notre renoncement à la fatalité.
Cette grève est donc plus que légitime, et plus que bienfaisante, et ceux qui défaillent, temporisent, tergiversent, faillissent à lui porter des réponses décentes, se rapetissent et se condamnent.
Dès lors, derrière le prosaïque du « pouvoir d'achat » ou du « panier de la ménagère », se profile l'essentiel qui nous manque et qui donne du sens à l'existence, à savoir : le poétique. Toute vie humaine un peu équilibrée s'articule entre, d'un côté, les nécessités immédiates du boire-survivre-manger (en clair : le prosaïque) ; et, de l'autre, l'aspiration à un épanouissement de soi, là où la nourriture est de dignité, d'honneur, de musique, de chants, de sports, de danses, de lectures, de philosophie, de spiritualité, d'amour, de temps libre affecté à l'accomplissement du grand désir intime (en clair : le poétique). Comme le propose Edgar Morin, le vivre-pour-vivre, tout comme le vivre-pour-soi n'ouvrent à aucune plénitude sans le donner-à-vivre à ce que nous aimons, à ceux que nous aimons, aux impossibles et aux dépassements auxquels nous aspirons.
La « hausse des prix » ou « la vie chère » ne sont pas de petits diables-ziguidi qui surgissent devant nous en cruauté spontanée, ou de la seule cuisse de quelques purs békés. Ce sont les résultantes d'une dentition de système où règne le dogme du libéralisme économique. Ce dernier s'est emparé de la planète, il pèse sur la totalité des peuples, et il préside dans tous les imaginaires -- non à une épuration ethnique, mais bien à une sorte « d'épuration éthique » [1] (entendre : désenchantement, désacralisation, désymbolisation, déconstruction même) de tout le fait humain. Ce système a confiné nos existences dans des individuations égoïstes qui vous suppriment tout horizon et vous condamnent à deux misères profondes : être « consommateur » ou bien être « producteur ». Le consommateur ne travaillant que pour consommer ce que produit sa force de travail devenue marchandise ; et le producteur réduisant sa production à l'unique perspective de profits sans limites pour des consommations fantasmées sans limites. L'ensemble ouvre à cette socialisation anti-sociale, dont parlait André Gorz, et où l'économique devient ainsi sa propre finalité et déserte tout le reste.
Alors, quand le « prosaïque » n'ouvre pas aux élévations du « poétique », quand il devient sa propre finalité et se consume ainsi, nous avons tendance à croire que les aspirations de notre vie, et son besoin de sens, peuvent se loger dans ces codes-barres que sont « le pouvoir d'achat » ou « le panier de la ménagère ». Et pire : nous finissons par penser que la gestion vertueuse des misères les plus intolérables relève d'une politique humaine ou progressiste. Il est donc urgent d'escorter les « produits de premières nécessités », d'une autre catégorie de denrées ou de facteurs qui relèveraient résolument d'une « haute nécessité ».
Par cette idée de « haute nécessité », nous appelons à prendre conscience du poétique déjà en œuvre dans un mouvement qui, au-delà du pouvoir d'achat, relève d'une exigence existentielle réelle, d'un appel très profond au plus noble de la vie.
Alors que mettre dans ces « produits » de haute nécessité ? C'est tout ce qui constitue le cœur de notre souffrant désir de faire peuple et nation, d'entrer en dignité sur la grand-scène du monde, et qui ne se trouve pas aujourd'hui au centre des négociations en Martinique et en Guadeloupe, et bientôt sans doute en Guyane et à la Réunion.
D'abord, il ne saurait y avoir d'avancées sociales qui se contenteraient d'elles-mêmes. Toute avancée sociale ne se réalise vraiment que dans une expérience politique qui tirerait les leçons structurantes de ce qui s'est passé. Ce mouvement a mis en exergue le tragique émiettement institutionnel de nos pays, et l'absence de pouvoir qui lui sert d'ossature. Le « déterminant » ou bien le « décisif » s'obtient par des voyages ou par le téléphone. La compétence n'arrive que par des émissaires. La désinvolture et le mépris rôdent à tous les étages. L'éloignement, l'aveuglement et la déformation président aux analyses. L'imbroglio des pseudos pouvoirs Région-Département-Préfet, tout comme cette chose qu'est l'association des maires, ont montré leur impuissance, même leur effondrement, quand une revendication massive et sérieuse surgit dans une entité culturelle historique identitaire humaine, distincte de celle de la métropole administrante, mais qui ne s'est jamais vue traitée comme telle. Les slogans et les demandes ont tout de suite sauté par-dessus nos « présidents locaux » pour s'en aller mander ailleurs. Hélas, tout victoire sociale qui s'obtiendrait ainsi (dans ce bond par-dessus nous-mêmes), et qui s'arrêterait là, renforcerait notre assimilation, donc conforterait notre inexistence au monde et nos pseudos pouvoirs.
Ce mouvement se doit donc de fleurir en vision politique, laquelle devrait ouvrir à une force politique de renouvellement et de projection apte à nous faire accéder à la responsabilité de nous-mêmes par nous-mêmes et au pouvoir de nous-mêmes sur nous-mêmes. Et même si un tel pouvoir ne résoudrait vraiment aucun de ces problèmes, il nous permettrait à tout le moins de les aborder désormais en saine responsabilité, et donc de les traiter enfin plutôt que d'acquiescer aux sous-traitances. La question békée et des ghettos qui germent ici où là, est une petite question qu'une responsabilité politique endogène peut régler. Celle de la répartition et de la protection de nos terres à tous points de vue aussi. Celle de l'accueil préférentiel de nos jeunes tout autant. Celle d'une autre Justice ou de la lutte contre les fléaux de la drogue en relève largement... Le déficit en responsabilité crée amertume, xénophobie, crainte de l'autre, confiance réduite en soi... La question de la responsabilité est donc de haute nécessité. C'est dans l'irresponsabilité collective que se nichent les blocages persistants dans les négociations actuelles. Et c'est dans la responsabilité que se trouve l'invention, la souplesse, la créativité, la nécessité de trouver des solutions endogènes praticables. C'est dans la responsabilité que l'échec ou l'impuissance devient un lieu d'expérience véritable et de maturation. C'est en responsabilité que l'on tend plus rapidement et plus positivement vers ce qui relève de l'essentiel, tant dans les luttes que dans les aspirations ou dans les analyses.
Ensuite, il y a la haute nécessité de comprendre que le labyrinthe obscur et indémêlable des prix (marges, sous-marges, commissions occultes et profits indécents) est inscrit dans une logique de système libéral marchand, lequel s'est étendu à l'ensemble de la planète avec la force aveugle d'une religion. Ils sont aussi enchâssés dans une absurdité coloniale qui nous a détournés de notre manger-pays, de notre environnement proche et de nos réalités culturelles, pour nous livrer sans pantalon et sans jardins-bokay aux modes alimentaires européens. C'est comme si la France avait été formatée pour importer toute son alimentation et ses produits de grande nécessité depuis des milliers et des milliers de kilomètres. Négocier dans ce cadre colonial absurde avec l'insondable chaîne des opérateurs et des intermédiaires peut certes améliorer quelque souffrance dans l'immédiat ; mais l'illusoire bienfaisance de ces accords sera vite balayée par le principe du « Marché » et par tous ces mécanismes que créent un nuage de voracités, (donc de profitations nourries par « l'esprit colonial » et régulées par la distance) que les primes, gels, aménagements vertueux, réductions opportunistes, pianotements dérisoires de l'octroi de mer, ne sauraient endiguer.
Il y a donc une haute nécessité à nous vivre caribéens dans nos imports-exports vitaux, à nous penser américain pour la satisfaction de nos nécessités, de notre autosuffisance énergétique et alimentaire. L'autre très haute nécessité est ensuite de s'inscrire dans une contestation radicale du capitalisme contemporain qui n'est pas une perversion mais bien la plénitude hystérique d'un dogme. La haute nécessité est de tenter tout de suite de jeter les bases d'une société non économique, où l'idée de développement à croissance continuelle serait écartée au profit de celle d'épanouissement ; où emploi, salaire, consommation et production serait des lieux de création de soi et de parachèvement de l'humain. Si le capitalisme (dans son principe très pur qui est la forme contemporaine) a créé ce Frankenstein consommateur qui se réduit à son panier de nécessités, il engendre aussi de bien lamentables « producteurs » -- chefs d'entreprises, entrepreneurs, et autres socioprofessionnels ineptes -- incapables de tressaillements en face d'un sursaut de souffrance et de l'impérieuse nécessité d'un autre imaginaire politique, économique, social et culturel. Et là, il n'existe pas de camps différents. Nous sommes tous victimes d'un système flou, globalisé, qu'il nous faut affronter ensemble. Ouvriers et petits patrons, consommateurs et producteurs, portent quelque part en eux, silencieuse mais bien irréductible, cette haute nécessité qu'il nous faut réveiller, à savoir : vivre la vie, et sa propre vie, dans l'élévation constante vers le plus noble et le plus exigeant, et donc vers le plus épanouissant. Ce qui revient à vivre sa vie, et la vie, dans toute l'ampleur du poétique.
On peut mettre la grande distribution à genoux en mangeant sain et autrement.
On peut renvoyer la Sara et les compagnies pétrolières aux oubliettes, en rompant avec le tout automobile.
On peut endiguer les agences de l'eau, leurs prix exorbitants, en considérant la moindre goutte sans attendre comme une denrée précieuse, à protéger partout, à utiliser comme on le ferait des dernières chiquetailles d'un trésor qui appartient à tous.
On ne peut vaincre ni dépasser le prosaïque en demeurant dans la caverne du prosaïque, il faut ouvrir en poétique, en décroissance et en sobriété. Rien de ces institutions si arrogantes et puissantes aujourd'hui (banques, firmes transnationales, grandes surfaces, entrepreneurs de santé, téléphonie mobile...) ne sauraient ni ne pourraient y résister.
Enfin, sur la question des salaires et de l'emploi. Là aussi il nous faut déterminer la haute nécessité. Le capitalisme contemporain réduit la part salariale à mesure qu'il augmente sa production et ses profits. Le chômage est une conséquence directe de la diminution de son besoin de main d'œuvre. Quand il délocalise, ce n'est pas dans la recherche d'une main d'œuvre abondante, mais dans le souci d'un effondrement plus accéléré de la part salariale. Toute déflation salariale dégage des profits qui vont de suite au grand jeu welto de la finance. Réclamer une augmentation de salaire conséquente n'est donc en rien illégitime : c'est le début d'une équité qui doit se faire mondiale.
Quant à l'idée du « plein emploi », elle nous a été clouée dans l'imaginaire par les nécessités du développement industriel et les épurations éthiques qui l'ont accompagnée. Le travail à l'origine était inscrit dans un système symbolique et sacré (d'ordre politique, culturel, personnel) qui en déterminait les ampleurs et le sens. Sous la régie capitaliste, il a perdu son sens créateur et sa vertu épanouissante à mesure qu'il devenait, au détriment de tout le reste, tout à la fois un simple « emploi », et l'unique colonne vertébrale de nos semaines et de nos jours. Le travail a achevé de perdre toute signifiance quand, devenu lui-même une simple marchandise, il s'est mis à n'ouvrir qu'à la consommation.
Nous sommes maintenant au fond du gouffre.
Il nous faut donc réinstaller le travail au sein du poétique. Même acharné, même pénible, qu'il redevienne un lieu d'accomplissement, d'invention sociale et de construction de soi, ou alors qu'il en soit un outil secondaire parmi d'autres. Il y a des myriades de compétences, de talents, de créativités, de folies bienfaisantes, qui se trouvent en ce moment stérilisés dans les couloirs ANPE et les camps sans barbelés du chômage structurel né du capitalisme. Même quand nous nous serons débarrassés du dogme marchand, les avancées technologiques (vouées à la sobriété et à la décroissance sélective) nous aiderons à transformer la valeur-travail en une sorte d'arc-en-ciel, allant du simple outil accessoire jusqu'à l'équation d'une activité à haute incandescence créatrice. Le plein emploi ne sera pas du prosaïque productiviste, mais il s'envisagera dans ce qu'il peut créer en socialisation, en autoproduction, en temps libre, en temps mort, en ce qu'il pourra permettre de solidarités, de partages, de soutiens aux plus démantelés, de revitalisations écologiques de notre environnement...
Il s'envisagera en « tout ce qui fait que la vie vaut la peine d'être vécue ».
Il y aura du travail et des revenus de citoyenneté dans ce qui stimule, qui aide à rêver, qui mène à méditer ou qui ouvre aux délices de l'ennui, qui installe en musique, qui oriente en randonnée dans le pays des livres, des arts, du chant, de la philosophie, de l'étude ou de la consommation de haute nécessité qui ouvre à création -- créaconsommation.
En valeur poétique, il n'existe ni chômage ni plein emploi ni assistanat, mais autorégénération et autoréorganisation, mais du possible à l'infini pour tous les talents, toutes les aspirations. En valeur poétique, le PIB des sociétés économiques révèle sa brutalité.
Voici ce premier panier que nous apportons à toutes les tables de négociations et à leurs prolongements : que le principe de gratuité soit posé pour tout ce qui permet un dégagement des chaînes, une amplification de l'imaginaire, une stimulation des facultés cognitives, une mise en créativité de tous, un déboulé sans manman de l'esprit. Que ce principe balise les chemins vers le livre, les contes, le théâtre, la musique, la danse, les arts visuels, l'artisanat, la culture et l'agriculture... Qu'il soit inscrit au porche des maternelles, des écoles, des lycées et collèges, des universités et de tous les lieux connaissance et de formation... Qu'il ouvre à des usages créateurs des technologies neuves et du cyberespace. Qu'il favorise tout ce qui permet d'entrer en Relation (rencontres, contacts, coopérations, interactions, errances qui orientent) avec les virtualités imprévisibles du Tout-Monde... C'est le gratuit en son principe qui permettra aux politiques sociales et culturelles publiques de déterminer l'ampleur des exceptions. C'est à partir de ce principe que nous devrons imaginer des échelles non marchandes allant du totalement gratuit à la participation réduite ou symbolique, du financement public au financement individuel et volontaire... C'est le gratuit en son principe qui devrait s'installer aux fondements de nos sociétés neuves et de nos solidarités imaginantes...
Projetons nos imaginaires dans ces hautes nécessités jusqu'à ce que la force du Lyannaj ou bien du vivre-ensemble, ne soit plus un « panier de ménagère », mais le souci démultiplié d'une plénitude de l'idée de l'humain.
Imaginons ensemble un cadre politique de responsabilité pleine, dans des sociétés martiniquaise guadeloupéenne guyanaise réunionnaise nouvelles, prenant leur part souveraine aux luttes planétaires contre le capitalisme et pour un monde écologiquement nouveau.
Profitons de cette conscience ouverte, à vif, pour que les négociations se nourrissent, prolongent et s'ouvrent comme une floraison dans une audience totale, sur ces nations qui sont les nôtres.
An gwan lodyans qui ne craint ni ne déserte les grands frissons de l'utopie.
Nous appelons donc à ces utopies où le Politique ne serait pas réduit à la gestion des misères inadmissibles ni à la régulation des sauvageries du « Marché », mais où il retrouverait son essence au service de tout ce qui confère une âme au prosaïque en le dépassant ou en l'instrumentalisant de la manière la plus étroite.
Nous appelons à une haute politique, à un art politique, qui installe l'individu, sa relation à l'Autre, au centre d'un projet commun où règne ce que la vie a de plus exigeant, de plus intense et de plus éclatant, et donc de plus sensible à la beauté.
Ainsi, chers compatriotes, en nous débarrassant des archaïsmes coloniaux, de la dépendance et de l'assistanat, en nous inscrivant résolument dans l'épanouissement écologique de nos pays et du monde à venir, en contestant la violence économique et le système marchand, nous naîtrons au monde avec une visibilité levée du post-capitalisme et d'un rapport écologique global aux équilibres de la planète...
Alors voici notre vision :
Petits pays, soudain au cœur nouveau du monde, soudain immenses d'être les premiers exemples de sociétés post-capitalistes, capables de mettre en œuvre un épanouissement humain qui s'inscrit dans l'horizontale plénitude du vivant...
Ernest BRELEUR
Patrick CHAMOISEAU
Serge DOMI
Gérard DELVER
Edouard GLISSANT
Guillaume PIGEARD DE GURBERT
Olivier PORTECOP
Olivier PULVAR
Jean-Claude WILLIAM
Notes :
[1] - Cf. - Jean-Claude Michéa - L'Empire du moindre mal. Coll. Climats - 2007 - Ed Flammarion.